Hausse des taux d’intérêt : quel impact sur le marché de l’immobilier ?
Découvrez l’interview de Nicolas Biais, directeur de Primpromo, solution digitale dédiée à la promotion immobilière.
L’année 2022 a été marquée par un blocage du financement immobilier en raison d’un mécanisme de révision des taux d’usure inadapté et à un contexte de forte augmentation des taux de crédit. Cette hausse est dopée par deux facteurs : le contexte inflationniste, qui pousse la BCE à augmenter ses taux directeurs et la révision aujourd’hui mensuelle du taux d’usure par la Banque de France.
L’impact de ces évolutions sur les projets d’accession à la propriété des particuliers est souvent évoqué, mais les professionnels de immobiliers sont, eux aussi, fortement impactés. Dans le neuf notamment, la demande est en chute libre avec un recul des ventes de plus de 30% au premier semestre 2023[1]. Plus largement, c’est une crise sociale et financière qui est à redouter. Nicolas Biais, Directeur associé Primpromo, décrypte les risques qui pèsent sur l’immobilier et revient sur les leviers d’amélioration à envisager pour les professionnels du secteur.
[1] Fédération des Promoteurs Immobiliers, « Le marché du logement neuf : chronique d’une crise annoncée », 14 septembre 2023.
Frédérique Boyer, Directrice associée Xloan
Une hausse des taux contraignante
Le taux directeur est celui auquel les banques empruntent auprès d’une banque centrale. Le 14 septembre dernier, la BCE annonçait une hausse des taux directeurs pour la dixième fois consécutive. Cette augmentation, motivée par l’inflation, va de pair avec la hausse des taux d’emprunt pratiqués par les banques commerciales. Depuis 2022, une forte hausse des taux de crédit pénalise effectivement l’ensemble du marché immobilier. « Pour un emprunt sur 25 ans, le taux est aujourd’hui à 4,35 %[1] alors qu’il était possible d’emprunter à moins de 2 % il y a un an. Certains candidats à l’achat sont contraints de renoncer, faute de financement », explique Nicolas Biais. Les promoteurs ne sont pas épargnés par ces difficultés d’accès au crédit et sont, de ce fait, de plus en plus fragilisés par la baisse de leur trésorerie.
« Le plafond du taux d’endettement maximal à 35 % des revenus nets avant impôts, établi par le Haut Conseil de Stabilité Financière (HCSF), vient compliquer encore la donne. Les acheteurs voient leur capacité d’emprunt diminuer ou leur durée d’emprunt s’allonger ». De nombreuses demandes de crédit sont en outre refusées à cause du taux d’usure, relevé chaque mois depuis le 1er février 2023. « Il s’élève à 5,80 % pour les crédits immobiliers accordés sur vingt ans et signés en octobre ». Fixé par la Banque de France, Le taux d’usure varie en fonction des taux directeurs de la BCE et des taux effectifs moyens pratiqués par les établissements de crédit. Son rôle est de caper les taux appliqués par les banques mais force est de constater qu’il ralentit nettement le marché.
L’immobilier neuf en crise
Ce climat de tension se vérifie sur le marché de la VEFA (vente en l’état futur d’achèvement), avec un taux de désistement record « à 52 %, au lieu de 10 à 15 % au cours des deux dernières années », souligne Nicolas Biais. Outre les désistements, les promoteurs font face à des délais de vente nettement plus longs : 18 mois en moyenne, au lieu de 9 mois avant la fin 2022. Et le stock coûte très cher. « Nous sommes entrés dans une crise immobilière au quatrième trimestre 2022 mais cela ne se résume pas aux taux de crédit. Il y a quelques années, on empruntait à 13 ou 14 % cependant les logements étaient peu chers. La crise s’installe actuellement car deux problèmes co-existent : les taux de crédit ainsi que les prix de l’immobilier sont à des niveaux très élevés. Les taux de crédit augmentent en outre beaucoup plus vite que la baisse des prix immobiliers. »
Pour les promoteurs immobiliers, la hausse des prix des matériaux et l’application coûteuse des nouvelles réglementations s’ajoutent aux difficultés de financement. Dans l’ancien, la loi « Climat et Résilience » oblige à la rénovation des logements. Et dans le résidentiel neuf, la RE2020 s’applique aux permis de construire déposés depuis le 1er janvier 2022. « La France a besoin de 500 000 logements par an. Aujourd’hui, nous en sommes à 120 000 et cela va baisser encore ». Entre janvier et mai 2023, les permis de construire dans le résidentiel ont ainsi chuté de 37,4% et les mises en chantier ont reculé de 21,5 %[2]. « Le manque de constructions crée une pénurie de logements. Le budget des collectivités locales est aussi impacté puisque la baisse des transactions s’accompagne d’une baisse des droits de mutation. La fin du dispositif Pinel au 31 décembre 2024 est un autre facteur aggravant qui contribuera à l’accentuation de la crise puisque certains investisseurs renonceront à leur projet. Les acteurs de la construction seront contraints de réduire leur masse salariale en attendant une amélioration. Le problème est donc global et si aucune mesure gouvernementale n’est adoptée pour proroger le dispositif Pinel ou soutenir les investisseurs, nous nous dirigeons vers une crise semblable à celle des années 1990, à la fois immobilière et sociale. La France n’est pas le seul pays concerné. La remontée des taux d’intérêt fragilise les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne. Country Garden, l’un des plus grands groupes immobiliers chinois, est également en grande difficulté. »
Une nécessaire adaptation
Pour compenser les pertes financières, les acteurs de l’immobilier neuf sont contraints de revoir leur stratégie. Rogner sur les marges s’avère risqué et difficile à pratiquer sur l’ensemble des projets. « Les promoteurs ont d’ailleurs moins d’opérations qui leur permettraient de compenser ces programmes à marge réduite ou à perte. Certains font le choix d’investir dans d’autres activités en parallèle, comme l’énergie ou la construction en bois. Les promoteurs qui s’en sortent le mieux s’engagent dans la réhabilitation, l’aménagement et la dépollution de friches industrielles bien situées – cependant ces dernières impliquent un investissement financier qui ne les rendent pas accessibles à tous ». La transformation d’immeubles de bureaux en logements est une autre perspective intéressante. « Globalement, on assiste à la construction d’un nombre croissant de bâtiments non-genrés, qui ne sont pas exclusivement dédiés au résidentiel ou à l’entreprise mais peuvent s’adapter selon les besoins. Avec l’avènement du flex office et du télétravail, le besoin de mètre carré de bureau est moins important ». Cette souplesse est de nature à augmenter la résilience des promoteurs en cette période tendue. Le maintien de relations de confiance avec les établissements bancaires, afin de définir les possibilités de financement les plus adaptées, est également essentielle.
A propos de Primpromo
Primpromo est la solution digitale dédiée à la promotion immobilière, développée en partenariat avec les principaux acteurs du secteur depuis plus de 20 ans. Elle permet d’industrialiser le fonctionnement des promoteurs en couvrant l’intégralité du cycle de vie d’une opération, de la prospection à la livraison. Primpromo, permet aux acteurs de l’immobilier de gagner en productivité, d’optimiser la gestion de leurs programmes et de sécuriser leurs flux financiers. Une solution unique et pérenne adaptée aux besoins de l’ensemble de l’organisation (couvre les besoins de l’ensemble de leur organisation : Direction du Développement, de Programme, des Ventes, Technique, Financière, Comptable)
[1] https://www.banque-france.fr/fr/statistiques/taux-dusure-mensuel-oct-2023-oct-2023
[2] Fédération Française du Batiment, « Conjoncture à fin juin 2023 », 4 juillet 2023