Inflation, taux d’usure et capacités de prêt : quel avenir pour les prêts à taux révisable ?
Populaires dans les années 1990/2000, les prêts à taux révisable sont tombés dans l’oubli depuis la crise des subprimes en 2008, dont ils ont été à la fois les déclencheurs et les victimes. Avec la hausse des taux d’intérêts et dans un contexte où le gouvernement français lui-même explore des pistes alternatives de crédits in fine et hypothécaires dans l’immobilier, les prêts à taux révisable pourraient entamer un timide retour. Alors que seuls 10 % des banques françaises en proposent, quelle place peuvent-ils occuper dans le paysage bancaire actuel ?
La crise du COVID-19 en 2020 puis le déclenchement de la guerre en Ukraine en 2022 ont mis fin à près de deux décennies de politique monétaire accommodante de la part de la Banque centrale européenne (BCE). Un resserrement destiné à lutter contre l’inflation galopante, et qui a mené les taux directeurs au-dessus des 4 % en septembre 2023.
Ce profond changement de paradigme s’est accompagné d’un recul des prêts immobiliers, qui ont chuté de près de 40 % en 2023: « un coup de frein dû à une réglementation plus sévère concernant notamment le taux d’effort, constate Gildas Postollec, Directeur des Opérations chez XLOAN. Parallèlement, les banques ont vu leur taux de refinancement augmenter, sans que cela ne se reflète dans le taux d’usure, limitant ainsi leur capacité de prêt. »
La fin du goulot d’étranglement ?
Ce goulot d’étranglement amorce son désengorgement, les taux d’usure remontant progressivement depuis un an environ. Fin 2023, pour la première fois depuis 2010, ils ont dépassé les 6 % pour les prêts immobiliers sur 20 ans ou plus.
Par ailleurs, depuis quelques mois, les établissements français reconstituent progressivement leurs marges – l’année 2024 devrait les voir retrouver leur moyenne de long terme, à 1,2 % environ, avec une progression à 1,5 % prévue pour 2025. Une amélioration de leur état financier qui leur ouvre des perspectives élargies, notamment en termes d’acceptation des demandes de prêts.
Dans le même temps, l’inflation dans la zone euro s’est apaisée, passant de 9,2 % en décembre 2022 à 2,4 % en novembre 2023. Si la désinflation se poursuit, il est possible que les taux entrent dans une période de stabilisation, voire de baisse – ouvrant de nouveaux horizons pour les prêts à taux révisable.
Pour les emprunteurs, un choix stratégique…
Très populaires aux États-Unis, les prêts à taux révisable sont moins usités en France, où ils sont également plus réglementés. Indexés sur le taux d’intérêt auquel les établissements financiers se prêtent de l’argent, leur taux est susceptible de varier tout au long de la durée de remboursement, à des conditions définies dans l’offre de prêt. Après une à deux années de franchise, le recalcul se fait périodiquement, généralement tous les ans. Il est encadré par un plafond et un plancher, et vient influencer l’augmentation des mensualités ou encore la durée restante du prêt.
Pour les emprunteurs, les prêts à taux révisable sont généralement moins onéreux à l’entrée que les prêts à taux fixe. Cependant, les différentes révisions, en cas de hausse de taux, peuvent atteindre des valeurs significatives et mettre le souscripteur en difficulté. « Tout dépend de l’optique dans lequel le prêt est contracté, rappelle Gildas Postollec. Si l’emprunteur souhaite conserver le bien toute la durée du crédit, il n’est pas certain qu’un taux variable soit pertinent. En revanche, s’il existe une perspective de revente à court-moyen terme, le prêt à taux révisable devient intéressant, d’autant qu’il est en général associé à un non-paiement d’indemnités de remboursement anticipé. »
… Et pour les banques, un outil commercial
Du côté des banques, le prêt à taux révisable constitue un atout à plusieurs titres. « Financièrement, il permet aux établissements d’adosser des emplois à taux variable avec des ressources elles aussi à taux variable, selon le Directeur des Opérations XLOAN, à condition d’appliquer certaines précautions : on se rappelle les difficultés entraînées par la crise de 2008. »
Les prêts immobiliers sont des produits de fidélisation car ils peuvent permettre à l’établissement d’ajouter la domiciliation des salaires, un compte courant, des comptes épargne ou d’autres services. Commercialement, avec leurs conditions plus avantageuses à l’ouverture, les crédits révisables sont des produits d’appel pour accroitre cette fidélisation. « Des outils de simulation efficaces permettent au conseiller de démontrer l’intérêt du prêt à taux révisable en fonction de différents scénarios. Bien utilisé, il peut venir compléter la palette d’outils de conquête de parts de marché. »
Une marge de manœuvre qui dépend de la BCE
Entre les prêts à taux fixe et les prêts à taux révisable, les banques disposent d’une réelle marge de manœuvre. Des règles strictes fixent l’encadrement des prêts, qu’il s’agisse du taux d’usure, de la durée maximale du prêt et du taux d’endettement, notamment – mais dans ces limites, il est possible d’imaginer différentes offres. Les prêts à taux mixtes, par exemple, permettent une certaine créativité : l’établissement peut proposer quelques années à taux fixe avant de passer à un taux révisable, ou bien n’appliquer la variabilité qu’à une partie du taux.
Les prêts à taux révisable représentent une alternative potentielle dans un univers bancaire français très réglementé et encadré, où prime la protection du consommateur. L’élargissement de leur adoption en 2024 dépendra cependant de l’orientation des taux directeurs. L’inflation a rebondi à 2,9 % dans la zone euro en décembre 2023, tandis que la BCE reste prudente sur ses intentions et ne prévoit pas de baisse des taux avant l’été 2024 au minimum. Dans de telles conditions, conclut Gildas Postollec, « il convient de surveiller la situation. Les prêts à taux révisable représentent un pari aussi bien pour l’emprunteur anticipant une future baisse des taux que pour les établissements bancaires cherchant à conquérir de nouveaux clients. Dans tous les cas, ils ouvrent une solution à l’octroi pour des emprunteurs désavantagés par les taux élevés. »