La révolution Fintech : panorama et perspectives
La tendance va clairement en s’accélérant depuis plusieurs années : les fintechs et les néo-banques exercent une concurrence toujours plus forte sur les acteurs traditionnels du secteur bancaire et financier, poussant ces derniers à repenser leurs modèles en profondeur. Le 8 juin dernier, à l’occasion de l’évènement conduit par IZBERG du Groupe Open et CGI sur les banques et assurances « As a platform », Alain Clot, Président Fondateur de France Fintech, est revenu sur cette impressionnante montée en puissance et sur ses conséquences.
La tendance va clairement en s’accélérant depuis plusieurs années : les fintechs et les néo-banques exercent une concurrence toujours plus forte sur les acteurs traditionnels du secteur bancaire et financier, poussant ces derniers à repenser leurs modèles en profondeur. Le 8 juin dernier, à l’occasion de l’évènement conduit par IZBERG du Groupe Open et CGI sur les banques et assurances « As a platform », Alain Clot, Président Fondateur de France Fintech, est revenu sur cette impressionnante montée en puissance et sur ses conséquences.
En matière de finance à distance, les Français ont longtemps été des précurseurs. La chose a été oubliée par beaucoup mais, grâce au Minitel, le pays a compté plus d’une décennie d’avance sur les Etats-Unis notamment, alors qu’une part significative de la population avait l’habitude d’y consulter leur compte et de réaliser des opérations en ligne. Sur cette lancée, à l’image de Boursorama, nombre d’acteurs innovants européens ont choisi la France pour investir le secteur. Malheureusement la dynamique s’est rapidement essoufflée. Un phénomène qu’Alain Clot explique par trois manquements : « un niveau suffisant de capital-risque, un régulateur favorable à l’innovation (un droit latin qui considère que seul ce qui est écrit est autorisé) et un consommateur suffisamment disponible, près à sortir du modèle clos créé par les établissements bancaires et d’assurance ». Mais le Président de France Fintech se réjouit du renversement opéré ces dernières années. La France se classe aujourd’hui en tête en matière de capital-risque, tandis que les régulateurs ont pris l’habitude de travailler en lien avec les nouveaux acteurs financiers. Un changement également culturel, notamment chez les plus jeunes : un tiers des Français de moins de 35 ans dispose par exemple d’un compte Lydia.
Le résultat est qu’en 2022, l’écosystème français est composé de près de 900 fintechs, soit le deuxième total en Europe après le marché anglais. La dynamique est claire, ainsi qu’en témoignent plusieurs indicateurs[1]. Après 2,3 milliards d’euros de fonds levés en 2021, le chiffre atteint déjà 1,7 milliards en milieu d’année en 2022… soit plus de 2,4 fois le niveau allemand. Doté de 11 licornes, le secteur des fintechs est le moteur de la tech française. A la clé : 35 000 emplois, dont 10 000 créés l’année dernière.
Nouveaux usages, plateformisation et internationalisation
Cette dynamique est portée par plusieurs évolutions majeures. « Les dix dernières années ont été celles de la révolution de l’usage et de l’expérience utilisateurs », résume Alain Clot. L’innovation est venue d’une nouvelle définition du service, notamment auprès des jeunes, plutôt que d’une technologie de rupture. « Pour faire simple, on peut dire qu’après une longue période où la technologie a couru après l’usage, l’usage court désormais derrière la technologie. C’est la conséquence des progrès fulgurants réalisés dans le traitement des données, le stockage, l’analyse algorithmique, l’intelligence artificielle, la blockchain ou encore les technologies de cryptomonnaies ».
Une deuxième évolution décisive, poussée par des technologies et ressources toujours plus importantes, concerne la plateformisation. Le principe ? Partir d’une verticale de services à laquelle se greffent différents composants pour aller soit vers une “super app”, soit vers une néo-banque ou néo-assurance.
Alain Clot voit enfin une troisième tendance majeure portée par les Fintech : l’internationalisation. Jusqu’à il y a peu, la finance de particuliers était multi-locale, plutôt que réellement internationale. La réglementation, l’usage et la culture permettaient aux grands établissements de posséder des filiales dans un certain nombre de pays européens, mais sans structure conjointe de prêts immobiliers ou de crédits à la consommation commune en Europe. « Or l’une des spécificités du numérique est de créer des modèles, des usages, des parcours qui sont quasi universels, souligne le Président de France Fintech. Une application de paiement est vécue de la même manière à Mont-de-Marsan et à Singapour. Et tandis que le numérique abolit les frontières, la réglementation s’est internationalisée ». Ainsi, alors que presque 90 % de la réglementation financière appliquée en France est issue de l’Union européenne, obtenir le passeport r églementaire dans un des pays européens donne accès au plus grand marché du monde, avant même les Etats-Unis et la Chine.
Des acteurs traditionnels bouleversés
Ces tendances de fond bouleversent logiquement les modèles traditionnels. Les acteurs bancaires et de l’assurance sont mis sous pression. Plusieurs enjeux deviennent hautement prioritaires, au premier rang desquels le coût d’acquisition du client qualifié (entre 200 et 300 euros en finance traditionnelle, de 20 centimes à 15 euros pour les startups), mais aussi le coût de fonctionnement de structures aux très lourds dispositifs ou encore la dimension culturelle – parvenir à parler à des clients jeunes. « Les Millenials ont dépassé les Boomers statistiquement et culturellement, ce sont désormais eux les prescripteurs, insiste Alain Clot. Pour la première fois dans l’histoire, les enfants en apprennent davantage à leurs parents que l’inverse. Dans un mouvement similaire, les acteurs de l’industrie ne peuvent se passer de se tourner vers de plus petites structures. Une grande partie de l’activité financière actuelle fait intervenir, sans qu’on le sache toujours, une fintech ». Le numérique a repondéré les facteurs d’analyse, avec un raisonnement fondé sur une dizaine de concepts clés essentiels : entonnoir d’acquisition clients, modèles de déploiement, modèles de valeurs, barrière à l’entrée, scalabilité…
Autre réalité à intégrer : dans un monde toujours plus technologique, agile et décloisonné, les prédictions deviennent rapidement périlleuses. « Le passé préjuge de moins en moins de l’avenir, résume Alain Clot. Ainsi, dans le domaine bancaire, aucun modèle à dix ans ne fournit de certitudes. Par exemple, nombre de professionnels alternent périodes de salariat, de chômage, de micro-entreprenariat, de cumul de plusieurs statuts… Cette réalité explosée est très difficile à intégrer à un algorithme ». Mais de nouveaux outils devraient faire leur apparition, à l’image des algorithmes de risque rendus possibles par la directive DSP2. Un enjeu clé, alors même que l’expert estime que le risque va structurer l’industrie dans les années à venir, d’autant plus que les fintechs se positionnent sur le crédit.
Dans ces conditions, quel avenir pour les établissements traditionnels ? Le secteur ne va certainement pas s’affaiblir même si certains établissements peuvent tendre vers cette direction. « Les établissements bancaires sont toujours des métiers à haute valeur ajoutée, des sommes de compétences extrêmes, des tiers de confiance, rentables… » Reste que les choix stratégiques et tactiques sont de plus en plus différenciés entre établissements… rendant la suite d’autant plus passionnante. « Finalement, ce sera sans doute le temps qui va gouverner l’affaire. Celle-ci s’accélère, alors même que, chose exceptionnelle, la réglementation est en avance. Dès lors, une solution : aller vite, ensemble ».