
Pourquoi les banques françaises misent sur le leasing pour s’imposer en Europe
Acquisitions record, partenariats stratégiques, montées au capital : les banques françaises investissent massivement dans le leasing pour conquérir l’Europe, y voyant un relais de croissance privilégié, porté par une évolution des usages, l’électrification et la transition énergétique.
L’européanisation accélérée des banques françaises trouve dans le leasing un vecteur d’expansion particulièrement efficace. Après s’être progressivement retirées d’Afrique, elles concentrent leurs ambitions internationales sur le Vieux Continent où la Banque centrale européenne (BCE) encourage d’ailleurs les rapprochements transfrontaliers, pour rivaliser avec les géants américains [1]. Dans cette recomposition, le leasing devient bien plus qu’un produit financier : il s’affirme comme une stratégie de pénétration des marchés européens les plus prometteurs.
Un marché automobile en pleine expansion porté par l’électrification
Le secteur du leasing connaît une croissance remarquable, particulièrement dans l’automobile. En 2024, la location longue durée (LDD) représentait déjà près de 30 % des immatriculations du marché en Europe et pourrait devenir majoritaire d’ici quelques années [2]. En France, elle représente 58,4 % des immatriculations pour les véhicules d’entreprises en mai 2025, d’après le Syndicat des Entreprises des Services Automobiles en LLD et des Mobilités (Sesamlld) [3].
L’électrification automobile amplifie la dynamique. Les entreprises préfèrent désormais faire porter aux loueurs les risques liés à la valeur résiduelle et à l’autonomie des batteries, plutôt que d’assumer ces incertitudes technologiques. La réglementation européenne, qui prévoit la fin des ventes de véhicules thermiques neufs en 2035, renforce structurellement cette demande.
Les géants bancaires français à l’offensive
BNP Paribas mène une stratégie d’acquisition particulièrement agressive. La banque a conclu en mai 2025 un partenariat de 200 millions d’euros avec le Fonds européen d’investissement pour financer des projets de transition énergétique en France, Allemagne, Italie et Espagne [4]. Parallèlement, elle négocie le rachat d’Athlon, la branche leasing de Mercedes-Benz, valorisée autour d’un milliard d’euros, qui viendrait renforcer sa filiale Arval [5].
Deux ans plus tôt, Société Générale faisait l’acquisition de LeasePlan par sa filiale ALD pour 4,8 milliards d’euros. Le nouvel ensemble, baptisé Ayvens, est devenu le numéro un mondial du secteur avec environ 3,3 millions de véhicules sous gestion [6].
BPCE déploie sa stratégie « Vision 2030 » avec l’ambition affichée de devenir le leader européen du leasing d’équipement. Le groupe a absorbé Société Générale Equipment Finance (SGEF) pour 1,1 milliard d’euros et finalise l’acquisition de 75 % de la banque portugaise Novo Banco, faisant du Portugal son second marché européen avec 7 000 salariés [7].
Les constructeurs automobiles cherchent des partenaires financiers
L’immobilisation de capitaux inhérente au leasing pousse les constructeurs automobiles vers des alliances bancaires. Renault recherche activement des alliances, dans l’objectif d’accroître sa flotte de véhicules. La LDD représentait 14 % des 1,1 million de contrats de financement signés par Renault en 2023.
Stellantis et Crédit Agricole ont créé fin 2021 un acteur paneuropéen rebaptisé Leasys, détenu à parts égales. Déjà implanté dans 11 pays avec une flotte de 828 000 véhicules, l’objectif est de gérer plus d’un million de véhicules d’ici 2026 [8].
Toutefois, la normalisation des prix sur le marché de l’occasion pèse encore sur la rentabilité des loueurs : les revenus d’Arval et Leasing Solutions ont, par exemple, baissé de 4,9 % en 2024 et de 20 % au deuxième trimestre 2025. Enfin, la valeur résiduelle des véhicules électriques reste un défi majeur pour l’ensemble des acteurs.
Un levier de diversification face aux défis domestiques
Cette stratégie européenne répond aussi aux difficultés du marché français. Dans l’Hexagone, le secteur automobile traverse, en effet, une période difficile avec plus de six mois consécutifs de baisse des ventes en 2025 [9].
Si les banques françaises affichent quant à elles des résultats solides au premier semestre 2025, elles accélèrent leur expansion européenne via le leasing pour diversifier leurs sources de revenus face aux contraintes domestiques – l’instabilité politique, la surtaxe exceptionnelle d’impôt sur les sociétés notamment [10]. Le leasing ayant l’avantage de mobiliser moins de capitaux qu’un crédit classique tout en générant des revenus récurrents grâce à la propriété juridique conservée sur les actifs.
Si cette stratégie porte ses fruits à court terme, la bataille européenne du leasing ne fait que commencer. Les banques françaises devront confirmer leur avance face à une concurrence internationale qui ne reste pas inactive.
[3] https://www.sesamlld.com/wp-content/uploads/2025/06/Flash-052025.pdf
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